dimanche 22 mai 2011

Grant Lee Buffalo, Cirque Royal, Bruxelles, 21 mai 2011

En 1993, Fuzzy révélait un trio emmené par un songwriter extrêmement talentueux nommé Grant Lee Phillips. Avec son mélange de folk mélancolique et de rock heavy dans la lignée des albums seventies de Neil Young, Grant Lee Buffalo arrivait en fait trop tôt, bien avant que des labels comme Fargo ne remettent au goût du jour une vision assez similaire de l'américana. Sorti en pleine vague grunge, le chef d'oeuvre Mighty Joe Moon passe un peu inaperçu, et GLB tente ensuite d'évoluer avec un troisième opus moyennement convaincant. Un ultime album redresse la barre mais l’intérêt du public s'est définitivement émoussé et le groupe splitte dans l'indifférence générale en 1999. Grant Lee Philips s'embarque alors dans une carrière solo comportant quelques pépites (telles que Strangelet en 2008), jusqu'à ce jour de 2011 où l'on apprend avec stupeur la reformation de Grant Lee Buffalo pour une série de concerts ne passant pas par l’hexagone. Qu'à cela ne tienne, direction Bruxelles et son célèbre festival Les Nuits Botaniques pour voir enfin sur scène ce groupe dont on a tant usé les disques...
La belle salle à l'ancienne du Cirque Royal se remplit au compte-gouttes pendant la première partie assurée par Heidi Spencer et son folk un brin trop lisse. Au moins apprécie-t-on l'acoustique parfaite du lieu, un vrai bonheur comparé à la trop fréquente bouillie sonore que nous infligent certaines salles parisiennes. Le Cirque Royal n'affiche pas complet quand déboulent sur scène les vedettes de la soirée, mais le public de connaisseurs et de curieux fera preuve d'un bel enthousiasme tout au long de leur prestation. Il faut dire que le trio se met aisément l'assistance dans la poche grâce à un plaisir de jouer communicatif, entre Grant Lee Philips plaisantant volontiers sur leur statut de revenants des nineties , Joey Peters tout sourire derrière ses fûts, et Paul Kimble martelant les cordes de sa basse comme si sa vie en dépendait. La setlist fait la part belle aux deux premiers albums, tout en évitant soigneusement les titres de Jubilee, enregistré sans Kimble. L'inusable Fuzzy achève de mettre tout le monde d'accord, et le groupe revient pour un copieux rappel s'achevant par une version d'anthologie de Lone Star Song, laissant espérer que cette courte tournée de reformation ne restera pas sans lendemain et qu'il ne faudra pas attendre de nouveau quinze ans pour voir sur scène ce groupe remarquable et malheureusement sous-estimé.

Photos (C) GH

mardi 17 mai 2011

Elysian Fields, le Café de la Danse, 17 mai 2011

Aux ambiances feutrées et mélancoliques du superbe The Afterlife sorti en 2009 succède cette année un nouvel album d'Elysian Fields plus rythmé, presque enjoué, bien que toujours hanté par les thèmes souvent sombres tenant à cœur au duo new-yorkais. Il n'est donc pas étonnant que ce concert à la setlist majoritairement constituée de ces nouveaux titres se pare de sonorités plus électriques que lors de la précédente tournée, même si comme à son habitude la musique d'Elysian Fields se moque volontiers des catégories et des étiquettes, naviguant parfois au sein du même morceau entre rock, jazz, chanson, guidée par la voix toujours renversante de Jennifer Charles et la virtuosité jamais envahissante d'Oren Bloedow. Bataillant avec une guitare acoustique défaillante, Oren raconte que Jean-Louis Murat lui avait un jour déclaré que le public aimait Elysian Fields pour leur statut d'underdogs, de groupe culte un peu obscur et désargenté. Nous nous permettrons de contredire cette affirmation en disant qu'on les aime avant tout pour la beauté vénéneuse de leur art, et en souhaitant qu'un public plus large y succombe à son tour.


Photos (C) GH

samedi 30 avril 2011

Tindersticks, Eglise Saint Eustache, 28 avril 2011

Depuis leur première collaboration sur Nénette et Boni en 1996, il est difficile d'imaginer un film de Claire Denis qui ne soit pas bercé par la musique des Tindersticks, tant le groupe anglais semblait fait pour accompagner les images de la cinéaste, en une symbiose parfaite dont doivent rêver beaucoup de metteurs en scène ayant à l'esprit les mythiques associations Hitchcock/Herrmann, Fellini/Rota, Leone/Morricone... Les Tindersticks reviennent aujourd'hui sur cette facette de leur carrière avec la publication d'un coffret regroupant leurs bandes originales, et une série de concerts majoritairement instrumentaux. L'endroit choisi pour le concert parisien est atypique, et on est saisi en entrant d'entendre Heroin du Velvet Underground résonner dans l'enceinte de l'église Saint Eustache. Puis les lumières s'éteignent et le groupe commence à jouer pendant que défilent derrière lui les images poétiques, sensuelles, parfois dérangeantes, des films de Claire Denis. Bientôt on est happé, fasciné par le côté irréel de l'expérience; sommes-nous au cinéma, au concert, ou en train d'assister à quelque étrange cérémonie, entre sacré et profane ?
La voix grave de Stuart Staples, particulièrement mise en valeur par l'acoustique du lieu, vient nous extirper d'une douce torpeur pour des versions de Tiny tears et Trouble everyday qui collent la chair de poule.
Après 90 minutes passées comme le temps d'un rêve, on ressort de Saint Eustache un peu hébété, seulement habité par la certitude d'avoir assisté à un spectacle hors norme.

mercredi 20 avril 2011

Raphael Saadiq, Le Trianon, 20 Avril 2011

L'idylle entre Raphael Saadiq et le public parisien continue : après avoir écumé la moitié des salles de la capitale pour la sortie de The way I see it en 2008, le voilà qui revient pour deux dates dans un Trianon plein à craquer afin de promouvoir son petit dernier Stone Rollin'. Un album creusant le même sillon soul à l'ancienne mais doté également de titres plus incisifs teintés de rock et de blues, qui se révèlent assez jouissifs en live. Même s'il avance en terrain conquis l'homme que l'on surnomme Ray Ray ne se repose pas sur ses lauriers et mouille le maillot, aidé par un groupe de musiciens pas franchement manchots et des choristes aussi impressionnants vocalement que leur patron.
Avant de quitter la scène Raphael Saadiq s'empare d'un marqueur et passe de longues minutes à signer les albums et places de concerts que lui tendent les premiers rangs ; la classe américaine pour un garçon talentueux qui n'a clairement pas volé son succès.


Photos (C) GH

mercredi 6 avril 2011

The Kills, Le Bataclan, 6 avril 2011

Des adjectifs tels que "moite" et "torride" reviennent souvent pour qualifier la musique de The Kills, mais ils s'appliquent particulièrement bien à cette date dans l'une des salles les moins bien ventilées de la capitale. Ajoutez à cela une foule compacte et chauffée à blanc, une longue attente à peine distraite par une première partie laborieuse, et vous comprendrez pourquoi l'endroit devient une véritable étuve dès le teigneux "No wow" joué en introduction d'un set hélas trop court.
Allison Mosshart va fréquemment se coller la tête près d'un ventilo histoire de se rafraichir les idées pendant que Jamie Hince dégouline de sueur mais reste stoïque et concentré dans son costard noir. Les nouveaux titres confirment tout leur potentiel en live, en particulier "Future starts slow" et son riff de guitare tellement évident que l'on se demande pourquoi personne n'y avait pensé avant. De la classe et de l'efficacité malgré une formule musicale potentiellement limitée, voilà comment on pourrait résumer un duo toujours droit dans ses bottes malgré la hype, les journeaux people et autres pubs branchouilles.

Photos (C) GH

Get well soon Mister Ferry !